Santé et droits des femmes, maîtres mots de la journée mondiale du Rein

Par HAJAR SEKHER

Rabat – Cette année, la Journée mondiale du rein, habituellement célébrée le 10 mars, a été avancée de deux jours pour la faire coïncider avec la Journée internationale de la femme (8 mars), une occasion pour engager la réflexion sur la santé des femmes en général et leur santé rénale en particulier.

C’est dans cet esprit que la Journée mondiale du rein, qui encourage un accès abordable et équitable à l’éducation sanitaire, à la santé et à la prévention des maladies rénales, est célébrée cette année, sous le signe “Le rein et la santé de la femme”.

Selon l’association marocaine “Reins”, les maladies rénales touchent environ 200 millions de femmes dans le monde et constituent actuellement la huitième cause de décès chez les femmes, avec près de 600.000 décès chaque année.

La maladie rénale chronique est plus susceptible de se développer chez les femmes que chez les hommes, avec une prévalence moyenne de 14% chez les femmes et 12% chez les hommes, a indiqué la néphrologue et présidente de l’Association “Reins”, Pr Amal Bourquia, dans un entretien accordé à la MAP, à l’occasion de la célébration de la Journée mondiale du rein.

“Cependant, le nombre de femmes dialysées reste inférieur à celui des hommes pour au moins trois raisons majeures: la progression de l’infection rénale chronique (IRC) est plus lente chez les femmes que chez les hommes, les obstacles psycho-socioéconomiques entraînent un début tardif de dialyse chez les femmes et un accès inégal aux soins, en particulier dans les pays sans accès universel aux soins de santé”, a-t-elle ajouté.

“La transplantation rénale est inégalement répartie, principalement en raison des aspects sociaux, culturels et psychologiques”, a précisé la professeure, poursuivant que “même dans certains pays qui offrent une transplantation rénale et un traitement équitable, les femmes ont tendance à donner des reins et sont moins susceptibles de les recevoir”.

Pour elle, il est nécessaire d’aborder les problèmes d’accès équitable des femmes aux soins de santé et d’accroître la sensibilisation et l’éducation pour faciliter l’accès des femmes aux traitements et aux meilleurs résultats sanitaires.

Certaines maladies rénales, telles la néphropathie lupique ou l’infection rénale, pyélonéphrite aiguë ou chronique, affectent généralement les femmes, explique Mme Bourquia, notant que les infections rénales, comme la plupart des infections des voies urinaires, sont plus fréquentes chez les femmes et le risque augmente davantage pendant la grossesse.

En effet, “les grossesses chez les femmes atteintes d’IRC avancée sont les plus difficiles avec des taux élevés de troubles hypertensifs et de naissances prématurées”, fait savoir la spécialiste, soulignant la nécessité de mieux faire connaître la maladie rénale chronique pendant la grossesse, de l’identifier rapidement et de suivre les femmes atteintes d’insuffisance rénale chronique pendant et après la grossesse.

La grossesse, a-t-elle révélé, peut également être une occasion précieuse pour le diagnostic précoce de l’IRC, permettant ainsi la planification d’interventions thérapeutiques.

Les complications liées à la grossesse augmentent le risque de maladie rénale, la pré-éclampsie, un syndrome dans lequel un défaut d’implantation du placenta affecte les reins normaux induisant l’hypertension et la protéinurie, est l’une des 3 principales causes de mortalité maternelle. La pré-éclampsie, l’avortement septique (infection du placenta) et l’hémorragie post-partum (saignement majeur après l’accouchement) sont les principales causes de lésions rénales aiguës chez les jeunes femmes, a expliqué Mme Bourquia.

Ces complications maternelles sont particulièrement plus élevées chez les femmes dans les pays en voie de développement, en raison d’un accès insuffisant à des soins prénatals universels et opportuns, à une prise en charge inadéquate des femmes pré-éclamptiques et à un manque de dialyse pour insuffisance rénale aiguë, regrette la néphrologue, “d’où le besoin accru et évident d’actions de sensibilisation, de diagnostic rapide et de suivi adéquat de l’IRC pendant la grossesse.

Selon la Fédération internationale des fondations du rein (International Federation of Kidney Foundations, IFKF), environ 600 millions de personnes dans le monde sont atteintes de maladies rénales, soit un adulte sur dix, et ce nombre est en constante augmentation.

L’IFKF a également relevé qu’en raison d’un diagnostic tardif, des millions de personnes décèdent, chaque année, d’insuffisance rénale chronique et de complications cardiovasculaires qui lui sont associées.

Quant à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), elle prévoit que les maladies rénales connaitront une augmentation de 17 % dans les dix prochaines années.

Le rôle de la sensibilisation du public, de la communauté médicale et des gouvernements n’ont jamais été aussi importants, a affirmé Pr Bourquia.

Moins de 30% des personnes atteintes de maladies rénales chroniques en sont informés, a-t-elle dit, précisant qu’au moins un million de personnes au Maroc souffrent d’une maladie rénale chronique, non détectée, entrainant une perte progressive de la fonction des reins et menant au traitement par dialyse ou greffe du rein.

Selon la présidente de l’association Reins, au Maroc, au moins 3000 personnes nécessitent chaque année un traitement par dialyse chronique et qu’actuellement près de 10000 patients sont dialysés régulièrement et seuls 200 ont eu une greffe rénale.

Malgré les avancées remarquables qu’a connues le traitement des maladies rénales au Maroc, ces dernières continuent de poser un problème de santé publique majeur, a soutenu Mme Bourquia, notant que le traitement des maladies rénales représente une des dépenses les plus importantes pour les organismes de couverture et pour le ministère de la Santé et l’on prévoit encore une augmentation rapide de ces dépenses, car le diabète et l’hypertension artérielle, qui constituent les deux grands responsables de l’insuffisance rénale chronique, touchent de plus en plus de personnes, a-t-elle expliqué. “Il y a donc un besoin accru et évident de sensibilisation, de diagnostic rapide et de suivi adéquat de la maladie rénale au Maroc”.

Pour Pr Bourquia, il est nécessaire de sensibiliser les pouvoirs publics et les organismes de couverture en vue d’investir dans les mesures préventives et œuvrer pour une prise en charge plus importante des maladies rénales par les organismes concernés.

Dans ce sens, les responsables de la santé publique doivent encourager les initiatives visant à réduire le risque de développer de l’hypertension, telle la sensibilisation du grand public à l’importance de la réduction de la consommation du sel et l’information du public sur les maladies rénales et sur la nécessité du dépistage précoce, a-t-elle recommandé.

Lancée à l’initiative de l’International Society of Nephrology, la Journée mondiale du rein vise à sensibiliser le grand public sur l’importance de la prévention des maladies rénales, affections silencieuses dont le diagnostic tardif multiplie les risques et les conséquences.

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